RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Bibliographie Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s A partir d’une enquĂŞte rĂ©alisĂ©e auprès de personnes âgĂ©es dĂ©pendantes vivant en Éhpad, cet article montre que l’autonomie est une norme prescrite mais elle est peu stabilisĂ©e dans les textes. Elle est aussi utilisĂ©e comme un outil de communication afin de mettre Ă distance les reprĂ©sentations sociales nĂ©gatives associĂ©es Ă ces Ă©tablissements. Dans un contexte de pĂ©nurie de personnel et de rationalisation des soins, l’autonomie apparaĂ®t plutĂ´t comme un mirage. C’est plutĂ´t la dĂ©pendance totale et entière des personnes âgĂ©es Ă l’égard des soignants qui est la norme. Enfin, nous montrerons que l’expĂ©rience de la norme de dĂ©pendance est vĂ©cue diffĂ©remment selon les personnes âgĂ©es. This article is based on a survey conducted among residents of public nursing homes in France. It shows that this residents' autonomy is a fundamental concept in french old age policies. However the concept is poorly defined and is primarily used as a communication tool by nursing homes to hide the negative social perception associated with them. In a context of lack of staff and rationalization of care, resident's autonomy seems a mirage. The reality in French public nursing homes is rather reflected by resident's total dependency on nurses. Finally, we show that the dependency of nursing home residents is lived differently from one resident to de page Texte intĂ©gral 1 Marianne Muller et Delphine Roy, L’Éhpad, dernier lieu de vie pour un quart des personnes dĂ©cĂ©dĂ©e ... 2 Sabrina Volant, L’offre en Ă©tablissement d’hĂ©bergement pour personnes âgĂ©es en 2011 ». Études et ... 3 Alain Villez, Éhpad la crise des modèles », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 123, 169-184, 2007. 4 Isabelle Mallon, Vivre en maison de retraite. Le dernier chez soi, Rennes, PUR, 2004. 5 Olivier Saint-Jean et Dominique Somme, 2003, Taux d’encadrement et mĂ©dicalisation des Ă©tablisse ... 1Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, les maisons de retraite ont Ă©tĂ© remplacĂ©es par des Établissements d’HĂ©bergement pour Personnes AgĂ©es DĂ©pendantes Éhpad. Ces structures mĂ©dicalisĂ©es ont une double vocation. Elles accueillent des personnes dĂ©pendantes » voire très dĂ©pendantes » et les accompagnent dans tous les actes de la vie quotidienne toilette, prise de mĂ©dicament, repas etc.. Fin 2015, près de 585 500 personnes âgĂ©es vivent dans 7400 Éhpad et 97% d’entre elles sont accueillies en hĂ©bergement permanent1. Dans ces Ă©tablissements, près de 89 % des rĂ©sidents sont Ă©valuĂ©s comme dĂ©pendants » Ă partir du GIR 4 et 55 % d’entre eux sont très dĂ©pendants » GIR 1 Ă 22. Les Éhpad sont dĂ©finis par une hybridation3 ĂŞtre Ă la fois un lieu de vie de la vieilÂlesse le dernier chez soi »4 tout en Ă©tant un lieu de mĂ©dicalisation des existences se rapprochant des services hospitaliers de type unitĂ© de soins de longue durĂ©e, les UnitĂ©s de Soins de Longue DurĂ©e Usld5. 6 Serge Paugam, La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvretĂ©, Paris, PUF, coll. Le l ... 7 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie e ... 8 HĂ©lène Thomas, Les vulnĂ©rables. La dĂ©mocratie contre les pauvres, Paris, Editions du Croquant, coll ... 9 L’Allocation PersonnalisĂ©e Ă l’Autonomie APA. 2En reprenant les concepts issus du champ de la sociologie de la pauvretĂ©, les personnes âgĂ©es accompagnĂ©es en Éhpad peuvent ĂŞtre Ă©tudiĂ©es comme une population marquĂ©e par le concept de disqualification sociale qui renvoie au processus de dĂ©signation et d’étiquetage ainsi qu’à ses effets sur le plan identitaire6. En effet, c’est en Ă©tablissant un seuil d’âge 60 ans et un seuil de dĂ©pendance GIR 1 Ă 4, que la sociĂ©tĂ© reconnaĂ®t les personnes comme dĂ©pendantes et les relègue au rang de personnes non autonomes7 » ou de sous citoyens8 » tout en leur apportant une forme d’assistance par le biais du versement d’une allocation9. La dĂ©pendance jette donc un discrĂ©dit sur cette population reconnue comme telle et cela marque profondĂ©ment l’identitĂ© des personnes. 3Dans cet article nous souhaitons saisir l’expĂ©rience sociale de la dĂ©pendance dans notre sociĂ©tĂ© selon un double objectif celui d’étudier Ă la fois les cadres normatifs organisant par le haut » les existences des personnes âgĂ©es dĂ©signĂ©es comme dĂ©pendantes » et les consĂ©quences de cet Ă©tiquetage sur le plan identitaire. En d’autres termes, quelles sont les injonctions normatives dans les politiques de la vieillesse et en particulier celles destinĂ©es aux personnes âgĂ©es dĂ©pendantes ? Comment ces injonctions sont-elles mises Ă l’épreuve dans les Éhpad par les professionnels et les personnes âgĂ©es ? 10 Cet article s’appuie sur une enquĂŞte rĂ©alisĂ©e dans le cadre d’un travail doctoral soutenu Ă l’Ecole ... 11 L’enquĂŞte a Ă©tĂ© menĂ©e au sein de deux Ă©tablissements gĂ©rĂ©s par des groupes privĂ©s, deux appartenant ... 4Pour rĂ©aliser ce travail10, j’ai menĂ© une enquĂŞte qualitative combinant des observations participantes Ă dĂ©couvert d’un Ă cinq mois comme stagiaire dans le service des animations au sein de cinq Éhpad11 et cinquante entretiens semi-directifs avec les personnes âgĂ©es dĂ©pendantes vivant dans ces Ă©tablissements. J’ai Ă©galement rĂ©alisĂ© des entretiens avec les directeurs de ces structures. 5Nous ferons d’abord un Ă©tat des lieux des normes structurant les expĂ©riences de vie des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes. Nous verrons que l’autonomie est une vĂ©ritable injonction en Éhpad et qu’elle constitue Ă©galement un outil de communication pour valoriser les pratiques professionnelles I. Puis, nous montrerons la manière dont cette injonction se rĂ©vèle ĂŞtre un mirage. En effet, les difficultĂ©s rencontrĂ©es par les professionnels et le manque de moyens humains ne permettent pas de valoriser l’autonomie individuelle. L’injonction normative est plutĂ´t celle d’une mise en dĂ©pendance totale et entière aux professionnels et les comportements faisant part d’une autonomie peuvent ĂŞtre stigmatisĂ©s par le personnel. La manière dont les personnes âgĂ©es vivent l’expĂ©rience de la dĂ©pendance dans toutes les dimensions de leur existence, et en particulier, dans les liens qu’elles entretiennent avec les soignants, mĂ©rite une attention particulière II. I – L’injonction Ă l’autonomie en Éhpad 12 Emmanuel Kant, Fondements de la mĂ©taphysique des mĹ“urs, Paris, Delagrave, 1994. 13 Alain Ehrenberg, La sociĂ©tĂ© du malaise. Le mental et le social, Paris, Odile Jacob, coll. Science ... 14 Nicolas Duvoux, L’autonomie des assistĂ©s. Sociologie des politiques d’insertion. Paris, PUF, coll. ... 15 Ibid, 1999. 16 Ibid, 2009. 17 Bernard Ennuyer, Les malentendus de la dĂ©pendance. De l’incapacitĂ© au lien social, Paris, Dunod, co ... 6L’autonomie entendue comme gouvernement de soi »12 est la valeur suprĂŞme des sociĂ©tĂ©s nĂ©olibĂ©rales13. Elle apparaĂ®t ĂŞtre une notion relativement paradoxale pour des individus vulnĂ©rables. Pourtant, cette norme est largement diffusĂ©e dans les politiques sociales, en particulier, Ă l’égard des personnes fragilisĂ©es sur le marchĂ© du travail14. Ces dernières sont considĂ©rĂ©es comme les maĂ®tres d’œuvre de leur propre existence »15 et l’autonomie est une norme institutionnelle Ă partir de laquelle elles sont Ă©valuĂ©es16. L’autonomie repose donc sur la capacitĂ© de dĂ©terminer par soi-mĂŞme les règles de sa conduite en connaissance de cause17 ; elle insiste sur la capacitĂ© des individus Ă ĂŞtre responsables de leur parcours de vie et Ă ĂŞtre actifs dans leur existence. Ainsi, on peut se demander dans quelle mesure cette injonction est utile pour comprendre la situation des personnes âgĂ©es. 7Nous reviendrons sur le glissement sĂ©mantique pour dĂ©signer les personnes âgĂ©es ainsi que ses effets A. Puis, nous montrerons que la notion d’autonomie bĂ©nĂ©ficie d’une large diffusion dans les politiques de la vieillesse tout en Ă©tant floue et peu stabilisĂ©e dans les textes lĂ©gislatifs B. Enfin, l’autonomie sera analysĂ©e comme un outil de communication pour les Éhpad permettant de rassurer les familles et d’attirer de la clientèle C. A – De la dĂ©pendance » Ă la perte d’autonomie » 18 Ibid, 2004. 19 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie e ... 20 Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997. 21 Autonomie GĂ©rontologique Groupe Iso Ressources. 8Le terme de dĂ©pendance » est une notion issue du monde mĂ©dical qui s’est imposĂ©e dans le champ de la vieillesse dans les annĂ©es 1980 pour qualiÂfier les personnes âgĂ©es de plus de 60 ans qui, en raison d’incapacitĂ©s, ont besoin d’être aidĂ©es dans les actes de la vie courante18. Cette dĂ©finition de la dĂ©pendance connote ces personnes nĂ©gativement car elle repose sur un critère bio-mĂ©dical qui rĂ©duit la personne Ă son incapacitĂ© Ă faire, au dĂ©triment de la connotation positive de solidaritĂ© et de relation nĂ©cessaire aux autres19. Ă€ la fin des annĂ©es 1990, la loi instaurant la Prestation SpĂ©cifique DĂ©pendance PSD a officiellement instituĂ© la dĂ©pendance comme Ă©tant l’état de la personne qui, malgrĂ© les soins qu’elle est susceptible de recevoir, a besoin d’être aidĂ©e pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie, ou requiert une surveillance rĂ©gulière »20. La loi officialise Ă©galement des seuils de dĂ©pendance » Ă©valuĂ©s objectivement par un algorithme en instaurant un outil de mesure des incapacitĂ©s la grille nationale AGGIR21. 22 Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative Ă la prise en charge de la perte d'autonomie des person ... 9En 2001, la loi du 20 janvier crĂ©e l’Allocation PersonnalisĂ©e Ă l’Autonomie APA en remplacement de la PSD. Cette allocation est une compensation partielle des frais occasionnĂ©s par les difficultĂ©s de la vie quotidienne. Le changement sĂ©mantique de la PSD Ă l’APA a pour objectif de donner une dĂ©nomination plus positive aux personnes âgĂ©es souffrant d’incapacitĂ©s. La loi ne parle plus de dĂ©pendance mais de perte d’autonomie » Toute personne âgĂ©e rĂ©sidant en France qui se trouve dans l’incapacitĂ© d’assumer les consĂ©quences du manque ou de la perte d’autonomie liĂ©es Ă son Ă©tat physique ou mental, a droit Ă une allocation personnalisĂ©e d’autonomie permettant une prise en charge adaptĂ©e Ă ses besoins. Cette allocation, dĂ©finie dans des conditions identiques sur l’ensemble du territoire national, est destinĂ©e aux personnes qui, nonobstant les soins qu’elles sont susceptibles de recevoir, ont besoin d’une aide pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie ou dont l’état nĂ©cessite une surveillance rĂ©gulière »22. 23 Ibid, 2013. 24 Ibid, 2013 10Ainsi, le terme de perte d’autonomie » est devenu le qualificatif politiquement correct pour dĂ©signer les personnes âgĂ©es ayant besoin d’être aidĂ©es dans leur vie quotidienne. Il met l’accent sur le respect des droits individuels. Cependant, la loi, qui ne dĂ©finit pas l’autonomie, repose Ă nouveau sur une approche dĂ©ficitaire et incapacitaire23. Le terme perte d’autonomie » accentue la confusion entre l’autonomie fonctionnelle », c’est-Ă -dire la capacitĂ© Ă effectuer par soi-mĂŞme un certain nombre d’actes de la vie quotidienne et l’autonomie dĂ©cisionnelle », c’est-Ă -dire la capacitĂ© Ă dĂ©terminer par soi-mĂŞme les règles de sa conduite en connaissance de cause24. Pourtant, une personne âgĂ©e en perte d’autonomie fonctionnelle peut toujours faire preuve d’une autonomie dĂ©cisionnelle. Ce glissement sĂ©mantique est concomitant avec l’émergence de la notion d’autonomie dans les politiques de la vieillesse. B – L’autonomie dans les politiques de la vieillesse 25 Extrait de la Charte des droits et libertĂ©s des personnes âgĂ©es en situation de handicap ou de dĂ©pe ... 11On l’a vu, l’autonomie bĂ©nĂ©ficie d’une large diffusion dans les politiques sociales. Elle est Ă©galement visĂ©e par les politiques de la vieillesse et en particulier celles destinĂ©es aux personnes âgĂ©es dĂ©pendantes. Par exemple, la Charte des droits et libertĂ©s des personnes âgĂ©es en situation de handicap ou de dĂ©pendance Ă©laborĂ©e en 1989 par la commission Droits et LibertĂ©s » de la Fondation Nationale de GĂ©rontologie FNG, soutenue dès l’origine par la Ministère en charge des politiques de la vieillesse, puis modifiĂ©e en 2007 pour tenir compte de l’évolution de la rĂ©flexion gĂ©rontologique sur une dĂ©cennie, rĂ©affirme la citoyennetĂ© et l’inscription dans la sociĂ©tĂ© de ces personnes âgĂ©es en tant que sujets de droit. L’extrait du prĂ©ambule de la Charte est rĂ©vĂ©lateur de la manière dont les personnes âgĂ©es dĂ©pendantes sont dĂ©finies dans les discours publics. Elle rĂ©affirme des principes reconnus dans la DĂ©claration de 1789 dont le droit Ă la citoyennetĂ© et une autonomie pour ces personnes et en particulier leur autonomie dĂ©cisionnelle. Cependant, l’injonction Ă l’autonomie apparaĂ®t peu stabilisĂ©e dans les textes lĂ©gislatifs. Dans certaines dispositions, elle fait Ă©cho Ă l’autonomie dĂ©cisionnelle tandis que dans d’autres, elle fait davantage rĂ©fĂ©rence Ă une autonomie fonctionnelle brouillant les dĂ©finitions de cette injonction. Par exemple on peut lire dans cette mĂŞme charte, l’article 8 spĂ©cifiquement dĂ©diĂ© Ă la PrĂ©servation de l’autonomie » La prĂ©vention des handicaps et de la dĂ©pendance est une nĂ©cessitĂ© pour la personne qui vieillit. La vieillesse est un Ă©tat physiologique qui n’appelle pas en soi de mĂ©dicalisation. Le handicap physique ou psychique rĂ©sulte d’états pathologiques, dont certains peuvent ĂŞtre prĂ©venus ou traitĂ©s. Une dĂ©marche mĂ©dicale prĂ©ventive se justifie, chaque fois que son efficacitĂ© est dĂ©montrĂ©e. En particulier, la personne exposĂ©e Ă un risque, soit du fait d’un accident, soit du fait d’une maladie chronique, doit bĂ©nĂ©ficier des actions et des moyens permettant de prĂ©venir ou de retarder l’évolution des symptĂ´mes dĂ©ficitaires et de leurs complications …. Handicaps et dĂ©pendance peuvent mettre la personne sous l’emprise d’autrui. La prise de conscience de cette emprise par les professionnels et les proches est la meilleure protection contre le risque de maltraitance »25. 26 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie e ... 27 Loi n° 2015-1776 du 28 dĂ©cembre 2015 relative Ă l'adaptation de la sociĂ©tĂ© au vieillissement. 28 Ibid, 2013. 12Cet article insiste particulièrement sur une dĂ©finition incapacitaire et mĂ©dicale de l’autonomie et des capacitĂ©s fonctionnelles des personnes âgĂ©es, au dĂ©triment de leurs capacitĂ©s dĂ©cisionnelles26. Plus rĂ©cemment, la loi du 28 dĂ©cembre 2015 relative Ă l’adaptation de la sociĂ©tĂ© au vieillissement27 se rĂ©fère Ă plusieurs reprises Ă cette conception mĂ©dicale de l’autonomie et insiste sur ce que les personnes âgĂ©es ne savent plus faire sur le plan fonctionnel. Ainsi, l’autonomie est abordĂ©e exclusivement du point de vue d’une rĂ©duction » et d’une perte » et selon une perspective mĂ©dicale de prĂ©vention. Cela peut conduire Ă une forme de stigmatisation de ces individus la perte d’autonomie fonctionnelle occulte les ressources et les capacitĂ©s des personnes âgĂ©es souffrant d’incapacitĂ©s fonctionnelles Ă dĂ©terminer par elles-mĂŞmes leurs règles de conduite en connaissance de cause c’est-Ă -dire leur autonomie dĂ©cisionnelle28. Pour les Ă©tablissements, cette dĂ©finition floue de l’autonomie est Ă©galement utilisĂ©e pour communiquer sur leurs pratiques d’accompagnement. C – L’accompagnement Ă l’autonomie en Éhpad un outil de communication 29 Loi n° 2002-2. 30 Nicole Benoit-Lapierre, RithĂ©e Cevasco et Markos Zafiropoulos, Vieillesse des pauvres. Les chemins ... 31 Section 1 Des fondements de l’action sociale et mĂ©dico-sociale, article 2 de la loi n° 2002-2 rĂ©n ... 13Les institutions comme les Éhpad sont rĂ©gis par la loi du 2 janvier 2002 rĂ©novant l’action sociale et mĂ©dico-sociale29, laquelle a profondĂ©ment modifiĂ© les pratiques professionnelles en mettant explicitement en avant la norme d’autonomie au sein des Ă©tablissements afin de protĂ©ger les personnes âgĂ©es dĂ©pendantes de leur vulnĂ©rabilitĂ©. Autrement dit, tout est mis en Ĺ“uvre dans les textes lĂ©gislatifs pour tenir Ă distance le plus possible la figure repoussoir du vieillard passif et en relation d’assujettissement avec les soignants30. L’extrait ci-dessous illustre les principes fondateurs des Ă©tablissements mĂ©dico-sociaux L’action sociale et mĂ©dico-sociale tend Ă promouvoir, dans un cadre interministĂ©riel, l’autonomie et la protection des personnes, la cohĂ©sion sociale, l’exercice de la citoyennetĂ©, Ă prĂ©venir les exclusions et en corriger les effets … »31. 32 Section 2 Des droits des usagers du secteur social et mĂ©dico-social, article 7 de la loi n°2002-2 ... 14L’autonomie renvoie Ă la citoyennetĂ© et la protection des personnes âgĂ©es. Elle est la norme encadrant les expĂ©riences de vie des personnes âgĂ©es vivant en Ă©tablissement. L’article 7 de la loi, insiste sur l’affirmation des droits, des libertĂ©s individuelles et la dignitĂ© des personnes âgĂ©es L’exercice des droits et libertĂ©s individuels est garanti Ă toute personne prise en charge par des Ă©tablissements mĂ©dico-sociaux. Dans le respect des dispositions lĂ©gislatives et rĂ©glementaires en vigueur, lui sont assurĂ©s Le respect de sa dignitĂ©, de son intĂ©gritĂ©, de sa vie privĂ©e, de son intimitĂ© et de sa sĂ©curitĂ©. Une prise en charge et un accompagnement individualisĂ© de qualitĂ© favorisant son dĂ©veloppement, son autonomie et son insertion, adaptĂ©s Ă son âge et Ă ses besoins, respectant son consentement Ă©clairĂ© qui doit ĂŞtre systĂ©matiquement recherchĂ© lorsque la personne est apte Ă exprimer sa volontĂ© et Ă participer Ă la dĂ©cision. A dĂ©faut, le consentement de son reprĂ©sentant lĂ©gal doit ĂŞtre recherchĂ© »32. 33 Le livret d’accueil, la charte des droits et libertĂ©s de la personne accueillie, le contrat de sĂ©jo ... 34 Article 8 de la Charte des droits et libertĂ©s de la personne accueillie. 15Dans cet extrait, la mĂ©dicalisation des existences n’apparaĂ®t pas incompatible avec la promotion de l’autonomie individuelle, des libertĂ©s et de la citoyennetĂ© des rĂ©sidents. La loi de 2002 les protège en rĂ©affirmant le respect de sa dignitĂ©, de son intĂ©gritĂ©, de sa vie privĂ©e, de son intimitĂ©, de sa sĂ©curitĂ© » ; elle insiste Ă©galement sur le respect du consentement Ă©clairĂ© qui doit ĂŞtre systĂ©matiquement recherchĂ© ». L’accueil des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes voire très dĂ©pendantes ne doit donc pas remettre en question leur autonomie comprise dans sa dimension dĂ©cisionnelle ». Afin de garantir l’exercice des droits et de l’autonomie des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes, la loi a mis en place sept outils encadrant les pratiques professionnelles et les existences33. Par exemple, la Charte de droits et des libertĂ©s de la personne accueillie se compose de douze articles dont l’un est intitulĂ© droit Ă l’autonomie » Dans les limites dĂ©finies dans le cadre de la rĂ©alisation de sa prise en charge ou de son accompagnement et sous rĂ©serve des dĂ©cisions de justice, des obligations contractuelles ou liĂ©es Ă la prestation dont elle bĂ©nĂ©ficie et des mesures de tutelle ou de curatelle renforcĂ©e, il est garanti Ă la personne la possibilitĂ© de circuler librement. Ă€ cet Ă©gard, les relations avec la sociĂ©tĂ©, les visites dans l’institution, Ă l’extĂ©rieur de celle-ci sont favorisĂ©es. Dans les mĂŞmes limites et sous les mĂŞmes rĂ©serves, la personne rĂ©sidente peut, pendant la durĂ©e de son sĂ©jour, conserver ses biens, effets et objets personnels et lorsqu’elle est majeure, disposer de son patrimoine et de ses revenus »34. 16Le droit Ă l’autonomie fait rĂ©fĂ©rence Ă la libre circulation, le maintien du lien social et Ă la dĂ©tention des biens matĂ©riels et financiers pour les personnes âgĂ©es. Il est prĂ©cisĂ© Ă©galement que le contenu de ce droit peut varier suivant le degrĂ© de dĂ©pendance des rĂ©sidents selon les limites dĂ©finies dans le cadre de la rĂ©alisation de sa prise en charge ou de son accompagnement » et des mesures de protection juridique. 17L’analyse des textes lĂ©gislatifs montre que l’autonomie est la norme fondamentale pour encadrer les pratiques professionnelles et les expĂ©riences de vie. Toutefois, l’autonomie bien plus qu’une injonction normative dans les Ă©tablissements, peut Ă©galement ĂŞtre un outil de communication. En effet, les gĂ©rants des Éhpad quel que soit leur statut public ou privĂ©, mettent en avant l’autonomie. Celle-ci est alors porteuse de reprĂ©sentations sociales positives comme le montrent ces deux extraits de brochure de deux Éhpad publics 35 Extrait d’une brochure d’un Éhpad public. 18 SĂ©rĂ©nitĂ© et bien-ĂŞtre des lieux de vie dĂ©diĂ©s Ă la convivialitĂ©, Ă la dĂ©tente, Ă l’autonomie »35. 36 Extrait d’une brochure d’un Éhpad public. 19 Salle Ă manger, cafĂ©tĂ©ria, espace d’animation et salon de coiffure permettent aux rĂ©sidents de participer Ă des activitĂ©s visant au maintien de leur autonomie »36. 20Ainsi, l’autonomie est scandĂ©e comme un slogan publicitaire pour rassurer les familles et les rĂ©sidents. Elle apparaĂ®t lĂ encore comme un concept flou dont les dĂ©finitions sont peu stabilisĂ©es. Dans ces extraits, les Ă©tablissements mettent Ă disposition des lieux de vie dĂ©diĂ©s Ă l’autonomie alors que dans un autre, la rĂ©fĂ©rence Ă l’autonomie est plus implicite 37 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 21 Pour Ă©viter la perte d’autonomie, les personnes âgĂ©es sont invitĂ©es, en fonction de leurs possibilitĂ©s et de leurs souhaits Ă participer aux actes de la vie quotidienne mise de la table, pliage du linge, atelier cuisine, jardinage37. 38 Christophe BartholomĂ© et Didier Vrancken, L’accompagnement un concept au cĹ“ur de l’Etat social ... 39 Ibid, 2005. 22En utilisant les vocables leurs possibilitĂ©s » et leurs souhaits », c’est l’autonomie dĂ©cisionnelle qui est directement ciblĂ©e. Les actes de la vie quotidienne mentionnĂ©s font rĂ©fĂ©rence au maintien d’une autonomie fonctionnelle. L’autonomie est donc une aspiration Ă atteindre dans ces Ă©tablissements. Cependant, les niveaux d’incapacitĂ©s des personnes âgĂ©es rendent illusoires, dans la pratique quotidienne, la promotion d’une telle autonomie. L’analyse des brochures rĂ©vèle que c’est plutĂ´t l’accompagnement au maintien de l’autonomie » qui est valorisĂ©. Issu des politiques du handicap cette norme s’est diffusĂ©e largement dans les politiques sociales Ă destination des plus vulnĂ©rables38. Elle se caractĂ©rise par une approche individualisĂ©e et une recherche constante de l’activation des potentialitĂ©s des personnes. Le contenu mĂ©thodologique de la pratique n’a pas Ă©tĂ© dĂ©fini par les textes de loi, laissant le concept totalement ouvert sur la pratique39. Ainsi, dans les brochures, l’accompagnement au maintien de l’autonomie est mis en lumière pour rĂ©pondre aux besoins des personnes âgĂ©es fragilisĂ©es par leur Ă©tat de santĂ© 40 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 23 L’ensemble du personnel est formĂ© Ă l’accompagnement spĂ©cifique de la personne âgĂ©e. PrĂ©sent en nombre important, il s’assure au quotidien du bien-ĂŞtre de chacun des rĂ©sidents et encourage son autonomie, en tenant compte de ses particularitĂ©s aussi bien psychologiques que mĂ©dicales »40. 41 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 24 Le personnel formĂ© Ă la gĂ©riatrie s’assure du bien-ĂŞtre des rĂ©sidents et encourage son autonomie, en utilisant une approche parfaitement adaptĂ©e aux personnes âgĂ©es »41. 25Ă€ travers ces brochures, on remarque la manière dont ces Ă©tablissements se prĂ©sentent eux-mĂŞmes pour attirer de la clientèle et rassurer les personnes âgĂ©es et leurs familles. Les Éhpad insistent sur les moyens mis en place pour encourager », stimuler, prĂ©server ou restaurer » l’autonomie des rĂ©sidents. Ces textes sont, la plupart du temps, agrĂ©mentĂ©s de photographies mettant en scène les soignants dans l’accompagnement aux actes de la vie quotidienne. 26Après avoir rĂ©alisĂ© un Ă©tat des lieux des cadres structurant par le haut les expĂ©riences de vie des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes, il convient de s’interroger sur les rĂ©percussions de l’injonction Ă l’accompagnement au maintien de l’autonomie dans la pratique quotidienne au sein des Éhpad. II – Les mirages de l’autonomie en Éhpad 42 Valentine TrĂ©pied, Devenir dĂ©pendant. Approche sociologique du grand âge en institution, thèse de d ... 27Sur le terrain, la rĂ©alitĂ© est beaucoup plus contrastĂ©e. L’autonomie prĂ´nĂ©e dans les Ă©tablissements semble un mirage c’est-Ă -dire une notion valorisante mais difficile, voire impossible, Ă appliquer. Un certain nombre d’inĂ©galitĂ©s structurelles analysĂ©es tant du point de vue de l’amĂ©nagement de l’espace que des populations accueillies, rendent illusoire la mise en pratique de l’injonction Ă l’autonomie42. Ainsi, il existe un dĂ©calage manifeste entre les discours affichĂ©s sur l’autonomie et l’individualisation de la prise en charge. 28Tout d’abord, nous dĂ©crirons la mise Ă l’épreuve dans la vie quotidienne des injonctions institutionnelles Ă l’accompagnement Ă l’autonomie » A, puis on s’interrogera sur la manière dont sont perçus les actes quotidiens d’autonomie des rĂ©sidents B ainsi que leur ressenti concernant les liens de dĂ©pendance qu’ils entretiennent avec les soignants C A – La mise en dĂ©pendance des existences 43 Catherine Mercadier Le travail Ă©motionnel des soignants, Paris, Seli Arsan, 2008. 29L’accueil d’une population aux lourdes incapacitĂ©s physiques et/ou psychiques ainsi que les difficultĂ©s du secteur gĂ©riatrique manque de personnel, de formations et exigence de productivitĂ© ne sont pas toujours compatibles avec la valorisation de l’autonomie des rĂ©sidents. Les pratiques professionnelles s’organisent plutĂ´t autour des pratiques de nursing43, routinières, rĂ©alisĂ©es avec une automaticitĂ© selon un temps imparti. Les soins d’hygiène et de confort toilette, habillage, distribution de mĂ©dicaments, etc. y sont prĂ©dominants et rythment le quotidien des rĂ©sidents. La gestion planifiĂ©e de la vie quotidienne impose des rythmes institutionnels et collectifs aux personnes âgĂ©es ce qui rĂ©duit leur autonomie. L’extrait d’entretien rĂ©alisĂ© avec une directrice d’établissement privĂ© non lucratif est, Ă ce titre, explicite 44 Directrice d’un Éhpad privĂ© non lucratif. 30 Alors le matin ils ont le petit-dĂ©jeuner, la douche, le repas, on les descend, il faut les remonter pour la sieste et après Ă trois heures on leur dit c’est l’animation ». Alors, des fois, il faut les stimuler parce que si on Ă©coute tout ce qu’ils disent ils ne vont rien faire…ils sont très contents après les animations. Voyez aujourd’hui on a un problème d’ascenseur …, donc on va les descendre pour manger, on va les remonter pour faire la sieste et on va les redescendre pour les animations et on va les remonter ou peut-ĂŞtre pas parce qu’à 17h30 il y a la messe, donc de la messe il faut les redescendre pour le repas donc pour le personnel ça leur fait une sacrĂ©e journĂ©e ! Une sacrĂ©e journĂ©e aussi aux rĂ©sidents ! »44 31En dĂ©crivant une journĂ©e au sein de son Ă©tablissement, cette directrice tĂ©moigne des rythmes soutenus et rationnalisĂ©s de la prise en charge des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes. L’utilisation du pronom personnel on » traduit les relations de dĂ©pendance Ă©troites existant entre les rĂ©sidents et le personnel. Durant mes observations, j’ai pu remarquer plusieurs pratiques institutionnelles rĂ©duisant inĂ©vitablement l’autonomie des personnes âgĂ©es. Par exemple, l’usage systĂ©matique des protections pour les incontinences est courant. Cette pratique permet de gagner du temps et de faciliter le travail des soignants. Parfois, j’ai Ă©tĂ© interrompue dans la rĂ©alisation de mes entretiens avec les rĂ©sidents par l’intervention d’un professionnel entrant dans la chambre de l’un de mes enquĂŞtĂ©s pour changer sa protection, sans d’ailleurs attendre que je quitte la chambre pour intervenir. 32Ainsi, la mise en dĂ©pendance totale des rĂ©sidents par certaines pratiques professionnelles contredit les injonctions au maintien de leur autonomie. Tout se passe comme si l’autonomie Ă©tait, pour le moins, partiellement inatteignable du fait de l’organisation du travail et comme si les professionnels sous pressions Ă©taient contraints, par souci d’efficacitĂ© et gain de temps, Ă restreindre l’autonomie des personnes âgĂ©es. Finalement, c’est de fait une injonction Ă la mise en dĂ©pendance totale et entière aux professionnels qui organise les existences et l’autonomie n’est pas encouragĂ©e. Elle peut mĂŞme ĂŞtre, dans certaines situations, stigmatisĂ©e par le personnel. B – La stigmatisation de l’autonomie au quotidien 45 Emile Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, coll. Quadrige », 2007 1ère Ă©ditio ... 46 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie e ... 33Depuis la loi de 2002 rĂ©novant l’action sociale et mĂ©dico-sociale, les Éhpad doivent fournir aux rĂ©sidents un contrat de sĂ©jour dĂ©finissant les droits et les obligations de l’établissement et des personnes âgĂ©es. Celles-ci s’engagent alors Ă respecter les autres rĂ©sidents, les règles de fonctionnement, Ă adopter un comportement respectueux Ă l’égard de tous les membres de la structure personnel, rĂ©sident et donc Ă respecter l’ordre social interne. L’ordre social, s’entend comme un ordre moral qui Ă©merge de l’intĂ©riorisation de normes et de valeurs par l’individu45. Dans une perspective interactionniste, en Éhpad, les personnes âgĂ©es doivent tenir un rĂ´le de dĂ©pendant » entendu comme personne incapable de vivre seule et assujettie aux autres46. Certaines actions individuelles des rĂ©sidents, traduisant une volontĂ© d’autonomie, peuvent dès lors ĂŞtre interprĂ©tĂ©es comme la manifestation d’une transgression Ă l’ordre social interne Ă l’institution et conduire des rĂ©sidents Ă se sentir pointĂ©s du doigt par le personnel voire Ă ĂŞtre stigmatisĂ©s. C’est le cas d’une personne âgĂ©e de 87 ans, ancienne ouvrière, atteinte d’une tumeur au visage qui lui dĂ©forme les yeux et lui rĂ©duit son champ de vison. Elle a dĂ©jĂ fait plusieurs chutes occasionnĂ©es par son handicap. Cependant, elle met un point d’honneur Ă continuer Ă marcher seule sans l’aide d’un dĂ©ambulateur ou d’une chaise roulante. Elle se distingue des autres rĂ©sidents car elle privilĂ©gie, malgrĂ© son Ă©tat de santĂ©, l’utilisation de l’escalier 47 Mme Erable, 87 ans, ancienne femme de mĂ©nage, trois enfants, Éhpad public. 34 Une chose que je fais, ça les Ă©tonne, je ne prends jamais l’ascenseur, je descends et je remonte les escaliers seule parce que j’estime que les ascenseurs sont faits pour les fauteuils roulants, oui parce qu’il y en a beaucoup. Moi, ça me fait du bien de marcher, de faire bouger mes articulations. Alors quand je rencontre l’infirmière, elle me dit Comment ? Vous ne prenez pas l’ascenseur ? ». Elle me dit qu’il faut que je fasse attention parce que j’ai des malaises Ă cause de ma tumeur, je tombe assez souvent »47. 35En adoptant un rĂ´le social diffĂ©rent de celui attendu, cette rĂ©sidente met l’établissement Ă l’épreuve. En effet, elle ne se rĂ©sout pas Ă utiliser l’ascenseur et en dĂ©pit des accidents potentiels, elle cherche Ă garder coĂ»te que coĂ»te une prise sur son existence. L’infirmière qui est garante de l’état de santĂ© des personnes âgĂ©es, lui signale les risques encourus par son comportement. En utilisant l’expression, ça les Ă©tonne » et en citant l’infirmière, elle dĂ©montre qu’elle ressent une certaine forme de stigmatisation. Son comportement interpelle les soignants de l’établissement et ils ne l’encouragent pas, ne l’accompagnent pas dans sa volontĂ© de garder une certaine forme d’autonomie. On peut observer cette transgression des règles institutionnelles dans d’autres situations, comme par exemple, l’entretien de la chambre. Certaines personnes âgĂ©es souhaitent garder une marge de manĹ“uvre sur cette activitĂ© en nettoyant elles-mĂŞmes leur espace privĂ© malgrĂ© les recommandations du personnel. 36Ainsi, ces exemples montrent que les initiatives individuelles des personnes âgĂ©es vivant en Éhpad ne sont pas toujours encouragĂ©es. Au contraire, elles doivent respecter l’ordre social interne qui repose sur une norme de dĂ©pendance entière et totale aux professionnels. On peut dĂ©sormais se demander comment ces personnes vivent cette expĂ©rience de la dĂ©pendance dans les liens qu’elles nouent avec les soignants. C – L’expĂ©rience inĂ©gale de la relation soignante 48 Valentine TrĂ©pied, Solitude en Éhpad. L’expĂ©rience vĂ©cue de la relation soignante par les personn ... 49 Erving Goffman, Stigmates, les usages sociaux des handicaps, Éditions de Minuit, coll. Le sens co ... 37En Éhpad, les liens entre les personnes âgĂ©es et les soignants sont spĂ©cifiques, car ils ne sont pas Ă©lectifs. En effet, les rĂ©sidents ne choisissent pas les professionnels intervenant au quotidien auprès d’eux. Ces relations constantes sont imposĂ©es. Toutefois, l’expĂ©rience de la relation soignante est inĂ©gale selon les personnes âgĂ©es48. Pour certaines d’entre elles - celles disposant de ressources Ă©conomiques, familiales, culturelles etc. les plus fortes - la relation soignante se fait sous le mode d’une coopĂ©ration totale et entière. Les professionnels sont dĂ©crits par les rĂ©sidents avec des qualificatifs valorisants et bienveillants, par exemple elles sont très gentilles », elles prennent soin de nous ». Les personnes âgĂ©es endossent en quelque sorte le rĂ´le de rĂ©sident idĂ©al », celui qui ne demande pas trop de travail. Pour elles, la relation soignante peut ĂŞtre envisagĂ©e comme une sorte de levier identitaire leur permettant d’acquĂ©rir une reconnaissance sociale et une valorisation identitaire. Elles cherchent Ă tout prix Ă mettre Ă distance le stigmate liĂ© Ă dĂ©pendance49. Pour d’autres, personnes âgĂ©es – celles appartenant Ă des milieux sociaux plus hĂ©tĂ©rogènes -, les liens se font avec une certaine ambivalence. La vie institutionnelle cristallise tout un ensemble de frustrations identitaires. Elles souhaitent ĂŞtre accompagnĂ©es dans la vie quotidienne par le personnel, mais elles sont particulièrement insatisfaites des relations nouĂ©es. Ces personnes regrettent de ne pas susciter davantage d’attention et d’empathie. Par exemple, cette rĂ©sidente âgĂ©e de 83 ans, ancienne secrĂ©taire Je n’arrive pas Ă faire ma toilette seule du cĂ´tĂ© droit. Personne ne m’aide. Je n’ose pas demander aux filles, car elles sont dĂ©bordĂ©es. On manque de personnel et d’argent ». 50 Bernard Ennuyer, Les malentendus de la dĂ©pendance. De l’incapacitĂ© au lien social, Dunod, coll. A ... 51 Robert Castel, Les mĂ©tamorphoses de la question sociale, Gallimard, coll. Folio Essai », Paris, 1 ... 38Tout en Ă©tant constante et rĂ©gulière, la relation soignante est pauvre en qualitĂ© et en contenu. Les rĂ©sidents pointent du doigt l’ensemble des dysfonctionnements de l’Éhpad et ils critiquent souvent avec virulence la pĂ©nurie de personnel, l’insuffisance des aides, le manque de temps des soignants. Ainsi, les interactions les renvoient Ă une image dĂ©valorisĂ©e d’eux-mĂŞmes et le sentiment d’être transparents dans les Ă©changes. Enfin, pour une autre catĂ©gorie de rĂ©sidents, les relations avec les professionnels sont particulièrement destructrices. Ces personnes se conforment entièrement Ă la dĂ©finition et aux reprĂ©sentations sociales associĂ©es Ă la dĂ©pendance dans la sociĂ©tĂ© c’est-Ă -dire Ă des sentiments d’inutilitĂ© sociale, d’assujettissement aux autres et de dĂ©chĂ©ance50. Ces personnes âgĂ©es dĂ©pendantes ont le sentiment d’être des inutiles au monde »51 et d’être rejetĂ©es par le reste de la sociĂ©tĂ©. Les liens avec les soignants renforcent leur sentiment de dĂ©shumanisation comme l’explique cette rĂ©sidente âgĂ©e de 88 ans, ancienne employĂ©e 39 On subit, on subit, on subit tout…Vous attendez pour tout …. Le mot j’arrive ! », vous savez, je le connais et puis vous attendez. » 40Cette forme de relation soignante est davantage reprĂ©sentĂ©e chez les rĂ©sidents qui ont eu des existences marquĂ©es par des trajectoires de vulnĂ©rabilisation ayant fragilisĂ© toutes les dimensions de leur existence sociale et individuelle. Ils sont plus souvent isolĂ©s sur le plan familial. 41Il ressort de ces tĂ©moignages notamment que l’autonomie en Éhpad est en fait un mirage, la norme Ă©tant celle d’une dĂ©pendance totale et entière des personnes âgĂ©es vis-Ă -vis des professionnels qui organisent les existences. Toutefois, les rĂ©sidents ne s’approprient pas tous de la mĂŞme manière cette norme de dĂ©pendance. Certains arrivent Ă maintenir une valorisation identitaire tandis que d’autres n’y parviennent pas. Conclusion 42L’autonomie est donc une norme prescrite et largement valorisĂ©e dans les politiques de la vieillesse, une injonction normative organisant les existences des personnes âgĂ©es dĂ©pendantes. Cependant, cette injonction est floue et peu stabilisĂ©e dans les textes. Parfois, elle permet de rĂ©affirmer un lien de citoyennetĂ© aux rĂ©sidents et de les protĂ©ger en rĂ©affirmant des droits humains fondamentaux. Elle paraĂ®t tout de mĂŞme rĂ©duite Ă une conception incapacitaire et mĂ©dicale insistant sur ce que les personnes âgĂ©es ne savent plus faire. En Éhpad, l’autonomie est Ă©galement utilisĂ©e comme un outil de communication ce qui permet de trancher avec les reprĂ©sentations nĂ©gatives associĂ©es Ă ces Ă©tablissements. Cependant, on constate que le fossĂ© est grand entre la promotion de l’autonomie des personnes hĂ©bergĂ©es et la rĂ©alitĂ©, c’est-Ă -dire l’insuffisance des moyens humains et financiers de nature Ă permettre la concrĂ©tisation de cette injonction. Ce n’est pas une norme d’autonomie qui organise les existences et le travail des soignants mais c’est une norme de dĂ©pendance entière et totale aux professionnels. Les actes quotidiens faisant preuve d’autonomie peuvent ĂŞtre stigmatisĂ©s par le personnel. L’expĂ©rience de la dĂ©pendance aux soignants est vĂ©cue de manière inĂ©gale par les personnes âgĂ©es. Elles ne disposent pas toutes des mĂŞmes ressources pour mettre Ă distance ou accepter la dĂ©pendance dans les liens qu’elles entretiennent avec les soignants. 43Les prochaines rĂ©formes du secteur doivent impĂ©rativement prendre en compte ce profond dĂ©calage entre autonomie affichĂ©e et dĂ©pendance pratiquĂ©e qui engendre de la souffrance et de la frustration, Ă la fois pour les soignants et pour les rĂ©sidents. Cela nĂ©cessite des taux d’encadrement en personnel plus important et de la formation. Il apparaĂ®t Ă©galement primordial et lĂ©gitime de prendre en considĂ©ration le point de vue des personnes âgĂ©es, leur ressenti concernant l’accompagnement en Éhpad afin d’éclairer les pouvoirs publics et orienter leurs dĂ©cisions. Haut de page Bibliographie Christophe BartholomĂ© et Didier Vrancken, L’accompagnement un concept au cĹ“ur de l’Etat social actif. Le cas des pratiques d’accompagnement des personnes handicapĂ©es », PensĂ©e plurielle, n°10, p. 85-95, 2005. Nicole Benoit-Lapierre and al, La vieillesse des pauvres. Les chemins de l’hospice, Les Editions ouvrières, coll. Economie et Humanisme », 1980. Carmen Bernand, Les vieux vont mourir Ă Nanterre, Paris, Le Sagittaire, 1978. Solène Billaud et Jingyue Xing, On n’est pas si mauvaises ! » Les arrangements des aides-soignantes en Ă©tablissements d’hĂ©bergement pour personnes âgĂ©es dĂ©pendantes ÉHPAD face aux Ă©preuves de professionnalitĂ© », SociologieS, 2016. Solène Billaud et Baptiste Brossard, ”L’expĂ©rience” du vieillissement. Les Ă©crits quotidiens d’un octogĂ©naire au prisme de leurs cadres sociaux ». Genèses. Sciences sociales et histoire, Belin, 71-94, 2014. Robert Castel, Les mĂ©tamorphoses de la question sociale, Paris, Gallimard, coll. Folio Essai », 1999. Emile Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, coll. Quadrige », 2007 1ère Ă©dition 1893. Nicolas Duvoux, L’autonomie des assistĂ©s, Sociologie des politiques d’insertion, Paris, PUF, coll. Le lien social », 2009. Alain Ehrenberg, La sociĂ©tĂ© du malaise. Le mental et le social, Paris, Odile Jacob, coll. Sciences humaines », 2010. Bernard Ennuyer, Les malentendus de la dĂ©pendance. De l’incapacitĂ© au lien social, Paris, Dunod, coll. Action sociale », 2004. Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, n°145, 25-35, 2013. Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Les Ă©ditions de minuit, coll. Le Sens Commun », 1968. Emmanuel Kant, Fondements de la mĂ©taphysique des mĹ“urs, Paris, Delagrave, 1994. Lucie Lechevalier-Hurard, Faire face aux comportements perturbants le travail de contrainte en milieu hospitalier gĂ©riatrique ». Sociologie du travail, 55, 279-301, 2013. Iris Loffeier, Panser des jambes de bois ? La vieillesse, catĂ©gorie d’existence et de travail en maison de retraite. Paris, PUF, coll. Partage du savoir », 2015. Isabelle Mallon, Vivre en maison de retraite. Le dernier chez soi, Rennes, PUR, 2004. Catherine Mercadier, Le travail Ă©motionnel des soignants, Paris, Seli Arsan, 2008. Marianne Muller et Delphine Roy, L’Éhpad, dernier lieu de vie pour un quart des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es en France en 2015 », Etudes et RĂ©sultats, DREES, 1094, 2018. Serge Paugam, La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvretĂ©, Paris, PUF, coll. Le lien social », 2007. Olivier Saint-Jean et Dominique Somme, Taux d’encadrement et mĂ©dicalisation des Ă©tablissements d’accueil pour personnes âgĂ©es. DonnĂ©es de l’enquĂŞte EHPA », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 104, 13-21, 2003. HĂ©lène Thomas, Les vulnĂ©rables. La dĂ©mocratie contre les pauvres, Paris, Editions du Croquant, coll. Terra », 2010. Valentine TrĂ©pied, Solitude en Éhpad. L’expĂ©rience vĂ©cue de la relation soignante par les personnes âgĂ©es dĂ©pendantes », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 149, 91-104, 2016. Valentine TrĂ©pied, Devenir dĂ©pendant. Approche sociologique du grand âge en institution, Paris, thèse de doctorat en sociologie Ă l’EHESS, 2015. Alain Villez, ÉHPAD la crise des modèles », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 123, 169-184, 2007. Sabrina Volant, L’offre en Ă©tablissement d’hĂ©bergement pour personnes âgĂ©es en 2011 », Études et RĂ©sultats, Drees, 877, 2014. Haut de page Notes 1 Marianne Muller et Delphine Roy, L’Éhpad, dernier lieu de vie pour un quart des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es en France en 2015 », Etudes et RĂ©sultats, DREES, 1094, 2018. 2 Sabrina Volant, L’offre en Ă©tablissement d’hĂ©bergement pour personnes âgĂ©es en 2011 ». Études et RĂ©sultats, 877, fĂ©vrier, 2014. 3 Alain Villez, Éhpad la crise des modèles », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 123, 169-184, 2007. 4 Isabelle Mallon, Vivre en maison de retraite. Le dernier chez soi, Rennes, PUR, 2004. 5 Olivier Saint-Jean et Dominique Somme, 2003, Taux d’encadrement et mĂ©dicalisation des Ă©tablisseÂments d’accueil pour personnes âgĂ©es. DonnĂ©es de l’enquĂŞte EHPA », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 104, 13-21. 6 Serge Paugam, La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvretĂ©, Paris, PUF, coll. Le lien social », 2007. 7 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, n°145, 25-35, 2013. 8 HĂ©lène Thomas, Les vulnĂ©rables. La dĂ©mocratie contre les pauvres, Paris, Editions du Croquant, coll. Terra », 2010. 9 L’Allocation PersonnalisĂ©e Ă l’Autonomie APA. 10 Cet article s’appuie sur une enquĂŞte rĂ©alisĂ©e dans le cadre d’un travail doctoral soutenu Ă l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales EHESS de Paris en 2015. 11 L’enquĂŞte a Ă©tĂ© menĂ©e au sein de deux Ă©tablissements gĂ©rĂ©s par des groupes privĂ©s, deux appartenant au secteur public et un rattachĂ© Ă un groupe associatif. 12 Emmanuel Kant, Fondements de la mĂ©taphysique des mĹ“urs, Paris, Delagrave, 1994. 13 Alain Ehrenberg, La sociĂ©tĂ© du malaise. Le mental et le social, Paris, Odile Jacob, coll. Sciences humaines », 2010. 14 Nicolas Duvoux, L’autonomie des assistĂ©s. Sociologie des politiques d’insertion. Paris, PUF, coll. Le lien social », Paris, 2009 ; Robert Castel, Les mĂ©tamorphoses de la question sociale, Paris, Gallimard, coll. Folio Essai », 1999. 15 Ibid, 1999. 16 Ibid, 2009. 17 Bernard Ennuyer, Les malentendus de la dĂ©pendance. De l’incapacitĂ© au lien social, Paris, Dunod, coll. Action sociale », 2004. 18 Ibid, 2004. 19 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, n°145, 25-35, 2013. 20 Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997. 21 Autonomie GĂ©rontologique Groupe Iso Ressources. 22 Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative Ă la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgĂ©es et Ă l'allocation personnalisĂ©e d'autonomie. 23 Ibid, 2013. 24 Ibid, 2013 25 Extrait de la Charte des droits et libertĂ©s des personnes âgĂ©es en situation de handicap ou de dĂ©pendance en 2007. 26 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, n°145, 25-35, 2013. 27 Loi n° 2015-1776 du 28 dĂ©cembre 2015 relative Ă l'adaptation de la sociĂ©tĂ© au vieillissement. 28 Ibid, 2013. 29 Loi n° 2002-2. 30 Nicole Benoit-Lapierre, RithĂ©e Cevasco et Markos Zafiropoulos, Vieillesse des pauvres. Les chemins de l’hospice, Les Éditions ouvrières, coll. Économie et humanisme », Paris, 1980 ; Carmen Bernand, Les vieux vont mourir Ă Nanterre. Paris, Les Éditions du Sagittaire, 1978. 31 Section 1 Des fondements de l’action sociale et mĂ©dico-sociale, article 2 de la loi n° 2002-2 rĂ©novant l’action sociale et mĂ©dico-sociale. 32 Section 2 Des droits des usagers du secteur social et mĂ©dico-social, article 7 de la loi n°2002-2 rĂ©novant l’action sociale et mĂ©dico-sociale. 33 Le livret d’accueil, la charte des droits et libertĂ©s de la personne accueillie, le contrat de sĂ©jour, la personne qualifiĂ©e, le Conseil de la Vie sociale, le règlement de fonctionnement, le projet d’établissement. 34 Article 8 de la Charte des droits et libertĂ©s de la personne accueillie. 35 Extrait d’une brochure d’un Éhpad public. 36 Extrait d’une brochure d’un Éhpad public. 37 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 38 Christophe BartholomĂ© et Didier Vrancken, L’accompagnement un concept au cĹ“ur de l’Etat social actif. Le cas des pratiques d’accompagnement des personnes handicapĂ©es », PensĂ©e plurielle, n°10, 85-95, 2005. 39 Ibid, 2005. 40 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 41 Extrait d’une brochure d’un Éhpad privĂ© Ă but lucratif. 42 Valentine TrĂ©pied, Devenir dĂ©pendant. Approche sociologique du grand âge en institution, thèse de doctorat en sociologie Ă l’EHESS, 2015. 43 Catherine Mercadier Le travail Ă©motionnel des soignants, Paris, Seli Arsan, 2008. 44 Directrice d’un Éhpad privĂ© non lucratif. 45 Emile Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, coll. Quadrige », 2007 1ère Ă©dition 1893. 46 Bernard Ennuyer, Enjeux de sens et enjeux politiques de la notion de dĂ©pendance », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, n°145, 25-35, 2013. 47 Mme Erable, 87 ans, ancienne femme de mĂ©nage, trois enfants, Éhpad public. 48 Valentine TrĂ©pied, Solitude en Éhpad. L’expĂ©rience vĂ©cue de la relation soignante par les personnes âgĂ©es dĂ©pendantes », GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ©, 149, 91-104, 2016. 49 Erving Goffman, Stigmates, les usages sociaux des handicaps, Éditions de Minuit, coll. Le sens commun », Paris, 975. 50 Bernard Ennuyer, Les malentendus de la dĂ©pendance. De l’incapacitĂ© au lien social, Dunod, coll. Action sociale », Paris, 2004. 51 Robert Castel, Les mĂ©tamorphoses de la question sociale, Gallimard, coll. Folio Essai », Paris, de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Valentine TrĂ©pied, Autonomie et vieillissement en institution le regard d’une sociologue », La Revue des droits de l’homme [En ligne], 17 2020, mis en ligne le 19 octobre 2020, consultĂ© le 21 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Valentine TrĂ©piedValentine TrĂ©pied est Sociologue PhD et spĂ©cialiste de la vieillesse et du vieillissementDu mĂŞme auteur Document VidĂ©o Paru dans La Revue des droits de l’homme, 17 2020 Haut de page Droits d’auteur Tous droits rĂ©servĂ©sHaut de page
Siune personne âgée souhaite conserver son domicile mais ne peut plus vivre seule, le site quant à luila Résidence Paul VALERY a ouvert ses portes le 23 février 2019,. Située à Clermont Ferrand, entre le quartier de la Pradelle et le quartier des Ronzières, cette magnifique Résidence accueille 80 personnes âgées dans un cadre architectural parfaitement adapté à tout type dépendance. Conçue pour répondre efficacement aux besoins et aux attentes spécifiques des personnes âgées, cette résidence bénéficie des derniers acquis de la gérontologie, aussi bien dans l’aménagement et la disposition des locaux, qu’au niveau des espaces collectifs adaptés,conviviaux et sécurisants. Découvrez notre résidence, en cliquant sur le lien ci dessous Résidence Paul VALERY - Visite virtuelle
Lesdroits des résidents. Les personnes âgées accueillies en établissement bénéficient d'un certain nombre de droits, qui se traduisent notamment par les éléments suivants : le contrat de séjour ; le conseil de la vie sociale ; la charte des droits des personnes âgées. Le contrat de séjour. Le conseil de la vie sociale.
Préambule à la Charte Par une lettre de mission en date du 13 novembre 2020, Madame Brigitte Bourguignon, ministre déléguée en charge de l’Autonomie, a demandé à Fabrice Gzil, directeur adjoint de l’Espace de réflexion éthique d’Île-de-France, de produire – en concertation étroite avec l’ensemble des acteurs concernés – une Charte éthique sur les valeurs et les principes de l’accompagnement des personnes âgées. Une éthique engagée et impliquée. L’éthique peut se définir comme une réflexion sur le sens et la valeur de nos actions. Dans le domaine du soin et de l’accompagnement, elle vise à rendre les pratiques plus responsables, justes et respectueuses de la personne. Elle n’est donc pas une affaire de spécialistes hors-sol, mais d’abord une relation entre des personnes en situation de vulnérabilité et tous ceux – professionnels, bénévoles, aidants familiaux, proches aidants – qui sont présents au plus près d’elles. Par conséquent, loin de donner des leçons de morale, l’éthique vise à éclairer et soutenir la démarche de celles et ceux qui s’efforcent, au quotidien, d’accompagner les personnes ayant besoin d’aide et de soins. Comme nous y invite Emmanuel Hirsch, nous ne devons pas oublier qu’en témoignant cette attention et cette sollicitude à l’autre, ces intervenants sont les veilleurs qui défendent les valeurs de notre démocratie et de notre République. Commander la Charte et sa déclinaison affiche Grand âge une réflexion ancienne. En France, une réflexion éthique est menée depuis de nombreuses années sur l’accompagnement des personnes âgées. Un groupe de réflexion Éthique et société – Vieillesse et vulnérabilités a notamment été mis en place à l’Espace éthique de l’AP-HP dès 1997. Et au fil des rencontres que nous avons organisées ces dernières années, nous avons constaté à quel point les professionnels et les équipes se questionnent sur le sens et les valeurs qui sous-tendent leur accompagnement et souhaitent engager une démarche éthique concertée. La nécessité d’une réflexion renouvelée. Plusieurs éléments rendent aujourd’hui nécessaire un approfondissement et un renouvellement de cette réflexion. D’une part, la révolution de la longévité » un nombre de plus en plus important de personnes poursuivent leur existence jusqu’à un âge avancé. D’autre part, un changement de culture les personnes qui avancent en âge n’acceptent plus aujourd’hui d’être considérées comme des objets de soins ; elles veulent être reconnues comme des sujets de droit. Enfin, c’était l’une des conclusions du document-repère Pendant la pandémie et après. Quelle éthique dans les établissements accueillant des citoyens âgés ?1 l’ensemble des acteurs estiment aujourd’hui nécessaire de clarifier les valeurs qui devraient servir de boussole pour mieux se repérer dans les pratiques. Et ils souhaitent renforcer et affirmer la part de l’éthique dans l’exercice de leurs missions. Ces quelques constats inspirent la rédaction de cette Charte. Une très large consultation. En nous appuyant d’une part sur le cadre légal notamment l’article du CASF, d’autre part sur les référentiels existants cf. Annexe A - Bibliographie sélective et enfin sur les apports du document-repère, nous avons rédigé une première ébauche. Celle-ci a été proposée à la discussion des personnes concernées dans le cadre de quatre groupes de travail et à partir d’une enquête nationale à laquelle ont contribué pas moins de 4 333 personnes cf. Annexe B – Enquête nationale Synthèse des résultats. La présente Charte intègre ainsi les apports de 4 350 contributeurs personnes âgées, aidants familiaux et proches aidants, professionnels du secteur, bénévoles et citoyens intéressés par ces questions. Une éthique universelle, déclinée dans le contexte du grand âge. Trois convictions ont présidé à l’écriture de cette Charte. La première est qu’il ne saurait y avoir une éthique spécifique aux personnes âgées. Celles-ci sont des citoyens partageant les mêmes droits et devoirs avec les autres membres de la société. C’est pourquoi la présente Charte énonce dix principes universels ils valent quel que soit l’âge ou la situation de vie des personnes concernées, avant de les décliner pour tenir compte des spécificités du grand âge. Une prise en compte de l’extrême diversité des situations. La deuxième conviction est que les personnes qui avancent en âge sont extrêmement diverses, ne serait-ce que par leur histoire personnelle, leur environnement, leur lieu de vie, leurs problèmes de santé ou leurs éventuelles autres difficultés physiques, sensorielles, psychiques, cognitives. Nous avons eu à coeur de ne jamais renoncer à prendre en compte cette diversité, afin que les principes puissent s’appliquer de manière personnalisée à tous. Une éthique de la nuance et de la complexité. La troisième conviction qui a présidé à l’écriture de cette Charte est que, face à des enjeux humains aussi sensibles, il est impératif d’assumer une éthique de la nuance et de la complexité. Ainsi, la Charte renouvelle assez profondément la culture de l’accompagnement des personnes âgées. Elle s’inscrit résolument dans une approche capacitaire » et inclusive ». Mais elle le fait sans méconnaître la difficulté qu’il y a, en situation, à faire vivre ces valeurs et ces principes. Une mise en évidence des tensions éthiques. Nous avons enfin pris soin de ne pas énoncer des principes isolés les uns des autres, mais de bien mettre en évidence – en chaque point – les tensions qui peuvent exister entre plusieurs valeurs ou principes, et les conflits, notamment de loyauté, qui peuvent en résulter dans le processus décisionnel. Il nous semble en effet que c’est à partir du moment où l’on reconnaît et assume cette complexité que l’on entre véritablement en éthique. Soutenir l’engagement et la réflexion de tous. Cette Charte – en plus de proposer un cadre et des repères communs – vise à contribuer à un plus juste engagement de celles et ceux qui investissent dans le soin et l’accompagnement un sens élevé de la responsabilité humaine et de nos solidarités démocratiques. Nous souhaitons qu’elle puisse favoriser l’esprit critique et accompagner les évolutions actuelles dans les pratiques et les organisations. Elle devrait également constituer un support pour analyser, d’un point de vue éthique, les situations concrètes parfois difficiles à arbitrer sur le terrain. Les approfondissements qui suivent l’énoncé de chacun des dix principes ont été rédigés de façon à pouvoir servir de support à des actions de sensibilisation et de formation. Chacun peut s’approprier cette Charte et la faire vivre dans sa pratique. Elle s’enrichira à travers les échanges et approfondissements qu’elle suscitera. Nous suivrons avec intérêt les évolutions auxquelles ce document contribuera et tiendrons compte des propositions qui permettront de la développer si nécessaire. L’équipe de l’Espace de réflexion éthique d’Île-de-France et de l’Espace national de réflexion éthique sur les maladies neuro-évolutives se tient à votre disposition, dans le cadre de ses missions, pour vous accompagner dans cette démarche éthique de responsabilisation partagée. Présentation publique de la Charte au Ministère des Solidarités et de la santé Charte présentée le 2 septembre 2021. Complément - Pendant la pandémie et après. Quelle éthique dans les établissements accueillant des citoyens âgés ? Un document repère pour soutenir l’engagement et la réflexion des professionnels, rédigé à la demande de Brigitte Bourguignon, Ministre déléguée en charge de l'autonomie auprès du Ministre des solidarité et de la santé
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