AprĂšs 30 annĂ©es de travail, lâagneau de prĂ©-salĂ© a enfin obtenu le fameux sĂ©same AOP. Mais la vie dans les herbus nâest pas un long fleuve tranquille. Tout le monde profite de cette image dâEpinal sans se soumettre pour autant au mĂȘme cahier des charges. PriĂšre de ne pas confondre AOP et AOT Autorisation dâOccupation Temporaire. PubliĂ© le 25 aoĂ»t 2020 - Par Th. Guillemot Nationalement, voire internationalement reconnu, lâagneau de prĂ©-salĂ© ne constitue quâun microcosme. Dans ses havres seulement 33 Ă©leveurs ovins professionnels, dont 5 sous signe officiel de qualitĂ© AOP. A cĂŽtĂ©, une foultitude de particuliers qui ont accĂšs au Domaine Public Maritime et profitant de la notoriĂ©tĂ© dâun savoir-faire sans sâen imposer les mĂȘmes contraintes. La guerre du prĂ©-salĂ© nâest pas dĂ©clarĂ©e, mais la Chambre dâagriculture de la Manche, soutenue par la Cran Chambre rĂ©gionale dâagriculture de Normandie, souhaite remettre de lâordre dans la bergerie. Mercredi dernier, Pascal FĂ©rey, son prĂ©sident, a invitĂ© lâEtat et les diffĂ©rents acteurs sur le terrain pour un Ă©change constructif. Lâexploitation du Gaec du Phare Ă Agon-Coutaiville, gĂ©rĂ©e notamment par Rolland Salle vice-prĂ©sident de lâAOP prĂ©-salĂ© du Mont-St-Michel, a servi de cadre dâillustration Ă la problĂ©matique de la qualitĂ© de lâeau, de la construction de bergeries, aux contraintes de pĂąturage, au renouvellement des gĂ©nĂ©rations... QualitĂ© de lâeau La qualitĂ© des eaux, câest une prĂ©occupation majeure depuis 3 ans, reconnaĂźt Christian Dutertre, maire dâAgon-Coutaiville. Trois fermetures de baignade, ça fait dĂ©sordre, mais on nâa toujours pas identifiĂ© les sources de pollution. Lâessentiel ne vient pas du monde agricole ». Lâorigine de la pollution est diffuse ", acquiesce Jacky Bidot, prĂ©sident de la CDC CommunautĂ© de communes. Un comitĂ© de pilotage pour la reconquĂȘte de lâeau a Ă©tĂ© mis en place et tout le monde a apportĂ© sa pierre Ă lâĂ©difice ». Dans ce sens, le territoire a Ă©tĂ© lâun des 13, au niveau national, Ă signer lâan dernier un Contrat de transition Ă©cologique. Et lâĂ©lu dâimaginer la construction de bergeries rĂ©silientes un peu comme les paillotes en bord de mer ». Des bergeries pour abriter les troupeaux, lâhiver bien sĂ»r, mais aussi Ă chaque grande marĂ©e. Les dĂ©jections animales, dans les herbus recouverts en pĂ©riode de fort coefficient, auraient un impact nĂ©gatif sur la qualitĂ© des eaux. Câest pourquoi les Ă©leveurs sont contraints de retirer, dans ces zones classĂ©es Natura 2000, leurs animaux 5 jours avant le dĂ©but de la grande marĂ©e. Construire des bergeries La profession se heurte cependant Ă un problĂšme structurel le manque de bergeries ou des bergeries obsolĂštes. Celle de Rolland Salle accuse le poids des Ăąges. Les conditions de travail quâelle impose refroidiraient tout jeune dĂ©sireux de sâinstaller dans cette production. Et ce nâest pas un problĂšme financier comme lâa malicieusement soulignĂ© GĂ©rard Gavory, prĂ©fet de la Manche. Certes, le pas de temps administratif avec 2, 3, 4 voire 5 ans pour valider un projet est Ă raccourcir, mais le point dâachoppement est ailleurs. Il est souvent le fait dâune poignĂ©e dâantitout » qui mettent bout Ă bout de multiples procĂ©dures juridiques pour gĂ©nĂ©rer une situation de blocage et de dĂ©couragement. Quand le prĂ©fet reconnaĂźt quâil est difficile dâappliquer des rĂšglementations complexes dans un environnement oĂč beaucoup dâacteurs ont des intĂ©rĂȘts contradictoires », Pascal FĂ©rey plaide pour un concordat avec les associations environnementales, trouver un systĂšme qui embarque tout le monde ». Pas question pour autant de construire des cathĂ©drales, mais il y a urgence. Le temps nous est comptĂ© et il serait dommage de ne pas transformer lâessai. LâAOP doit progresser sinon elle va disparaitre », craint le prĂ©sident de la Chambre dâagriculture de la Manche, soulignant au passage lâimplication du sĂ©nateur Bizet sur le dossier. Une inquiĂ©tude que partage le local de lâĂ©tape. Rolland Salle, dĂ©fendant lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, revendique un accĂšs au domaine maritime rĂ©servĂ© aux seuls Ă©leveurs AOP prĂ©-salĂ© Mont-St-Michel en accompagnant tous les Ă©leveurs non AOP dans le respect du cahier des charges AOP ». La pĂ©rennitĂ© de cette filiĂšre dâexcellence est Ă ce prix. Pour Ă©viter le surpĂąturage en certains endroits et le sous-pĂąturage en dâautres au bĂ©nĂ©fice de la biodiversitĂ©, il faut trouver les bons Ă©quilibres et un juste partage de la valeur ajoutĂ©e. Du cĂŽtĂ© des reprĂ©sentants manchois du SĂ©nat et de lâAssemblĂ©e nationale, on se dit prĂȘt Ă relever les manches. Il faut adapter la loi Littoral au changement climatique », admet Jean-Michel Houllegate, sĂ©nateur. Elle est trop contraignante, elle doit Ă©voluer. Il y a nĂ©cessitĂ© de sâimprĂ©gner des rĂ©alitĂ©s du terrain pour lĂ©gifĂ©rer », rebondit le dĂ©putĂ© Bertand Sorre. Le chiendent maritime nâest peut-ĂȘtre pas certain de conquĂ©rir les havres du prĂ©-salĂ©, Ă moins que...
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